Un chirurgien urologue poursuivi pour homicide involontaire après le décès d’un patient
Une enquête préliminaire a été ouverte sur un chirurgien urologue du centre hospitalier Jacques-Cœur de Bourges (Cher) après la mort d’Henry Latour, 60 ans, l’un de ses patients décédé au bloc opératoire le 14 janvier, à la suite d’une résection transurétrale de la prostate.
L’opération ne s’est pas déroulée dans des conditions normales, au regard du comportement du chirurgien urologue, aujourd’hui sous le coup d’une plainte pour « homicide involontaire » déposée le 3 mars par la famille d’Henry Latour auprès du Procureur de la République de Bourges.
La lecture du compte rendu opératoire et du rapport adressés par l’anesthésiste à la direction de l’établissement apportent des premiers éléments. À 13 h 15, M. Latour, un « patient ne présentant aucune tare médicale ou chirurgicale » entre au bloc opératoire et subit une rachianesthésie « sans aucune difficulté ». Très courante, la résection transurétrale de la prostate consiste à retirer le tissu prostatique par l’urètre afin de réduire la taille de la prostate du patient.
À son entrée au bloc, le chirurgien urologue présente un « caractère agressif vis-à-vis du personnel », selon le rapport de l’anesthésiste. « Il est agité, en colère, il parle fort et exprime son mécontentement vis-à-vis du matériel mis à sa disposition : « c’est à nouveau du matériel de merde » », lit-on dans le même document. Sous rachianesthésie, le patient entend tout. L’équipe décide de l’endormir « en raison de l’ambiance tendue ».
Toujours selon l’anesthésiste, le praticien « excessif, agressif » pratique alors l’intervention en « enfonçant le résecteur à plusieurs reprises par les voies naturelles de façon brutale, réséquant l’intérieur de la prostate avec des mouvements d’aller et retour violents sans en faire l’hémostase ».
À 15 h 25, l’équipe prévient le chirurgien « à plusieurs reprises » : « le patient n’est pas bien, […] il faut soit arrêter l’intervention soit passer par voie haute ». À 15 h 41, le patient est en asystolie. Il décède à 16 h 09.
Pendant l’intervention, l’anesthésiste a constaté des « pertes de sang effroyables ». « Cette intervention était une véritable « boucherie » indigne de n’importe quel bloc opératoire », écrit-il.
Dans son compte rendu opératoire, le chirurgien constate aussi que « la résection a été très hémorragique ». Mais, contrairement à l’anesthésiste, il évoque un « effort considérable d’hémostase ».
La famille de M. Latour apprend le décès par le chirurgien, qui appelle la fille de la victime. « Il m’a dit que mon père était décédé d’un arrêt cardiaque, a indiqué Émilie Latour ce lundi à la presse. Il était calme. »
Quelques jours après le décès de M. Latour, le 22 janvier, le service d’anesthésie écrit une lettre à la direction pour dénoncer « les dérives professionnelles » du chirurgien « qui peuvent parfois exposer les patients à des risques graves ».
« Nous avons collectivement décidé de ne plus prendre en charge, au bloc opératoire, les patients du Dr X pour des raisons de compétences et d’aptitude mentale », écrivent les sept anesthésistes.
Pêle-mêle, ils regrettent « l’inexactitude des intitulés d’interventions avec rajout d’actes en cours de procédure en inadéquation avec le choix anesthésique, des durées opératoires en dehors des standards avec parfois poursuite des actes une fois l’anesthésie locorégionale levée […], des hémorragies peropératoires anormalement importantes. »
Pour Me Philippe Courtois, avocat de la famille de la victime, le médecin et l’hôpital sont clairement responsables. « La direction d’établissement est en faute pour ne pas avoir fait un signalement au Procureur de la République, indique l’avocat. Ils ont attendu plus de six semaines, une fois l’affaire lancée. Il n’y a pas eu d’autopsie. On a fait croire à la famille que ce décès était une fatalité. »
Le comportement agressif du médecin est jugé incompréhensible. Mais nulle part, dans la lettre des anesthésistes, il n’est fait mention d’une quelconque addiction.
L’agence régionale de santé (ARS) et l’Ordre des médecins ont été interpellés. Une enquête préliminaire est donc ouverte. Pour Me Courtois, le basculement en instruction est « inévitable ». Émilie Latour, sa fille, réclame « la vérité ». « Ce médecin a assassiné mon père. Je veux qu’il arrête d’exercer et qu’il aille en prison », a indiqué la jeune femme, devant la presse.
« En 30 ans de carrière, le professionnalisme de mon client n’a jamais été remis en cause, a réagi Me Amélie Chiffert, avocate de l’urologue. Il conteste formellement avoir fait preuve d’une quelconque hystérie, en revanche, ce jour-là, il y a eu un problème de matériel, il a demandé à avoir le bon ». L’avocate a dénoncé des « accusations opportunistes » et « très rapides », qui semblent révéler des « difficultés relationnelles » vis-à-vis du chirurgien.
Source : www.lequotidiendumedecin.fr (18/04/2016)
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