Syndrome du bébé secoué : une mise au point de l’Académie de médecine
Le syndrome du bébé secoué (SBS), ou comme l’appellent les Anglo-saxons, le « Abusive Head Trauma » (traumatisme crânien par violence), est aujourd’hui largement reconnu par un grand nombre de sociétés savantes pédiatriques dans le monde, dont beaucoup ont co-signé un consensus sur le sujet en 2018. Pourtant, son existence est niée par quelques personnes dont l’opinion est largement médiatisée, faisant croire à une controverse scientifique légitime. C’est pourquoi l’Académie de médecine a publié une mise au point sur ce syndrome, tout en cherchant à comprendre ce qui fonde le scepticisme à son sujet.
Hospitaliser dès la suspicion de SBS
Un SBS est suspecté devant un coma ou des crises convulsives, des vomissements, un changement de caractère (enfant grognon, moins tonique), un retard staturo-pondéral ou psychomoteur, associés à des lésions traumatiques (fractures, ecchymoses, lésions buccales), à des antécédents de violence dans la fratrie ou à un retard dans le recours aux soins.
Ces éléments doivent conduire sans délai à l’hospitalisation de l’enfant où des explorations exhaustives seront effectuées (scanner cérébral, IRM cérébrale, radiographies du squelette). La présence d’hématomes sous duraux diffus, bilatéraux, multifocaux, est un élément essentiel au diagnostic mais non suffisant. Ils sont situés dans les régions fronto-pariéto-temporales, interhémisphérique, et/ou le long de la tente du cervelet et ils prédominent au vertex du fait de l’arrachement traumatique des veines-ponts. La présence de caillots au vertex, en forme de « tétards » ou de « sucette », signe l’arrachement traumatique de ces veines.
Le médecin n’est pas le juge d’instruction
Le principal diagnostic différentiel est le traumatisme accidentel. Mais ses circonstances sont le plus souvent « limpides » et les hématomes sous-duraux diffus avec caillots consécutifs à des ruptures de veines-ponts au vertex y sont exceptionnels.
« Quelle que soit la région du monde, les secouements sont violents, souvent répétés et sont produits par un adulte en général excédé par les pleurs de l’enfant. » Le plus souvent, ils se produisent dans un domicile privé et dans une relation duelle entre l’adulte et l’enfant. Mais retracer ces circonstances est difficile. Un indice est un récit pauvre ou absent, flou, contrastant avec l’habituelle prolixité de détails des parents relatant le traumatisme de leur enfant. Cela étant, le médecin doit garder en mémoire que « il n’appartient pas au corps médical de déterminer l’auteur de potentielles violences, l’entretien avec les parents doit rester strictement médical, non intrusif, patient et empathique comme il se doit. »
Les « dénialistes » soutiennent que les aveux peuvent être suggérés. Or ils sont le plus souvent stéréotypés, quelle que soit la région du monde. L’auteur des violences les reconnait comme directement responsables des troubles de son enfant.
Les dénialistes contestent les recommandations de la Haute Autorité de santé (2017), pourtant soutenues par toutes les sociétés savantes concernées. Mais si « certains points restent à éclaircir » (par exemple, pourquoi le SBS concerne deux garçons pour une fille ?), leur critique n’est soutenue par aucun travail scientifique sérieux et n’est le fait que de médecin ou chercheurs qui ne sont pas qualifiés dans le domaine de la maltraitance infantile.
Pour l’Académie de médecine, le premier élément pour comprendre cette « fabrique de l’ignorance ou de doute » est la charge émotionnelle importante que lève le SBS, un syndrome inconcevable pour beaucoup. Il peut s’y adjoindre une critique du fait majoritaire, qui s’imposerait comme « seule source de légitimité », ou de la « suffisance de l’expertise médicale ». Plus généralement, l’Académie rappelle que « une science digne de confiance ou fiable n’est pas seulement une science solide, rigoureuse ou robuste, elle doit aussi être pertinente, c’est-à-dire adaptée à l’objet que l’on cherche à comprendre, sensible au contexte et aux valeurs qui sont en jeu. » C’est-à-dire aux fondements mêmes de la médecine fondée sur les preuves qui a malheureusement, souligne l’Académie, « au fil des ans perdu de sa consistance. »
Références : C. Adamsbauma, L. Coutellec. Le syndrome du bébé secoué (SBS), l’enjeu de la fiabilité face à la fabrique de l’ignorance. Bulletin de l’Académie nationale de médecine. Séance du 06/12/2022.
Source : www.univadis.fr (27/03/2023)
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