Pilules 3G: la justice reconnaît l’AVC de Marion Larat comme un « accident médical non fautif »
L’accident vasculaire cérébral de Marion Larat, première jeune femme à engager une action judiciaire en décembre 2012 contre une pilule contraceptive de 3e génération, déclenchant l’affaire des « pilules de 3e et 4e génération », est un « accident médical non fautif », a reconnu la 6e chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux, dans un jugement daté du 8 février 2018.
La justice reconnaît ainsi qu’existent « des présomptions graves, précises, et concordantes, pour retenir un lien de causalité » entre l’AVC et la prise de sa contraception.
La jeune femme a été victime en 2006 d’un AVC ischémique trois mois après la prescription par un gynécologue de la pilule Méliane, fabriquée par Bayer. Un bilan étiologique avait alors révélé l’existence d’anomalies cardiaques et hématologiques qui ne s’étaient jamais manifestées auparavant et n’avaient pas été diagnostiquées, alors qu’elles constituaient des contre-indications absolues à la prescription de la meliane.
Des conclusions qui rejoignent celles du rapport des experts médicaux Pr Claude Piva et Pr Jean-Michel Vallat, établi en décembre 2011, à la demande de la commission de conciliation d’indemnisation (CCI) d’Aquitaine. Les experts avaient par ailleurs estimé que le gynécologue prescripteur n’avait pas commis de faute.
Mais le TGI estime que cet accident médical est « non fautif », et ne retient pas la responsabilité du laboratoire allemand Bayer. Selon le jugement, il n’est pas rapporté de défectuosité intrinsèque du médicament, étant rappelé que les pilules de troisième génération (comme l’ensemble des contraceptifs oraux combinés) nécessitent des précautions d’emploi et sont sujettes à de nombreuses contre-indications ; ni de défectuosité extrinsèque, car les risques d’accidents thromboemboliques artériels et veineux étaient signalés dans la notice d’utilisation du contraceptif au moment de la prescription. La responsabilité délictuelle du laboratoire n’est pas non plus retenue. Et de rappeler que les autorités nationales ni européennes n’ont pas préconisé le retrait des pilules de troisième génération (en revanche, la ministre de la santé Marisol Touraine avait avancé de six mois le déremboursement des pilules 3 g après la plainte de Marion Larat en 2013).
La justice considère donc que la solidarité nationale doit jouer pour réparer le préjudice subi par la jeune femme, aujourd’hui âgée de 30 ans. Le TGI condamne l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser une provision de 550 000 euros.
Le tribunal ordonne une nouvelle expertise pour que soit évalué de façon complète le préjudice définitif de Marion Larat, qui sera réalisé par un expert inscrit à la cour d’appel de Bordeaux, et fixe une nouvelle audience au 11 septembre 2018.
« Si nous pouvons être satisfaits du lien d’imputabilité reconnu pour la première fois par un tribunal, il est cependant décevant de constater l’absence de toute condamnation à l’égard du laboratoire », a réagi dans un communiqué l’avocat de Marion Larat, Me Jean-Christophe Coubris.
« Les magistrats ont estimé que la simple indication dans la notice d’utilisation, de la possibilité de la survenue d’un tel accident, suffisait à les exonérer de toute responsabilité », a-t-il déploré. En cas d’appel, provision et expertise ne seront pas effectives, le jugement n’étant pas soumis à exécution provisoire.
Si Marion Larat a été la première femme à engager des poursuites judiciaires, au total, 130 plaintes avaient été déposées. En juin 2017, le parquet de Paris a classé sans suite l’enquête concernant 29 marques de pilules 3 et 4G, ainsi que huit laboratoires et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Les magistrats avaient conclu qu’il n’était pas possible de prouver « avec certitude » à l’échelle individuelle que l’accident médical était dû à la prise des pilules.
Trois plaintes avec constitution de partie civile pour « atteinte involontaire à l’intégrité de la personne humaine » visant le laboratoire Bayer et l’ANSM ont été déposées par Me Coubris en septembre 2017 devant le pôle de santé publique du TGI de Paris entraînant la désignation d’un juge d’instruction.
Source : www.lequotidiendumedecin.fr (14/02/2018)
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