CHU de Nantes condamné après la transplantation d’un rein cancéreux
Le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes pour un retard de diagnostic, lié à une « erreur de raisonnement médical », dans le cas du décès d’une jeune femme transplantée d’un rein porteur d’une tumeur cancéreuse.
« Aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du CHU de Nantes lors de la transplantation du greffon et de la surveillance postopératoire immédiate » en juin 2008, indique le tribunal administratif.
Mais la femme, qui souffrait d’une maladie rénale depuis son enfance, voit son état de santé décliner à partir de mars 2009, avec apparition d’une hématurie macroscopique avec dégradation de la fonction rénale. Elle décède en juin 2009. Pour le tribunal, il y a eu « indiscutablement » erreur dans l’établissement du diagnostic de tumeur urothéliale profonde de haut grade, dont les conséquences ont été « confondues avec un phénomène de rejet ». « Un examen d’imagerie plus précis qu’une simple échographie aurait pu permettre de faire ce diagnostic », indique le jugement.
Sans se prononcer sur le fond de cette affaire, le Pr Olivier Bastien, directeur du prélèvement et de la greffe organes-tissus à l’Agence de biomédecine(ABM) rappelle que pour toute greffe d’organe, le processus de qualification implique un examen biologique (avec notamment recherche de marqueurs tumoraux) et une imagerie systématique, le plus souvent avec injection (échographie et scanner). En cas de lésion suspecte ou de kyste, une biopsie avec examen anatomopathologique peut être réalisée. « Quand il y a un doute sur les antécédents cancéreux, la sécurité prévaut », assure le Pr Bastien. Ainsi « 91 % des organes prélevés sont greffés. 9 % sont donc rejetés après prélèvement », indique-t-il.
Malgré les bilans biologiques, l’imagerie, et l’observation de l’organe à l’œil nu, « il peut arriver qu’on ne repère pas de cellules précancéreuses ou à un stade infraclinique », explique le Pr Bastien. Par exemple, un an après une greffe de poumon, « il est possible qu’une zone tumorale non détectable par fibroscopie et scanner se développe, alors qu’elle aurait pu dormir des années chez le donneur », illustre le responsable de l’ABM.
Autre difficulté, « le traitement anti-rejet favorise le développement des cellules cancéreuses et augmente le risque de cancers, notamment de la peau », rappelle-t-il.
Enfin, en cas de rejet, le gold standard est la biopsie. Or « des infections, des lésions inflammatoires prennent chez les greffés des aspects particuliers », avec parfois des lymphocytes qui envahissent les greffons et un risque de confusion avec le diagnostic d’un rejet.
Le Pr Bastien conclut en rappelant l’importance du rôle des médecins traitants, parfois appelés en pleine nuit par les équipes de coordination hospitalières pour les renseigner sur les antécédents du patient.
Source : Le Quotidien du Médecin (18/03/2016)
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