Attentats du 13 novembre : près de la moitié des civils exposés ayant un trouble de stress post-traumatique probable ne sont pas suivis
Trois ans après les attaques terroristes du 13 novembre 2015, l’agence Santé publique France (SPF) publie un bouquet d’études sans précédent sur les conséquences des attentats sur le plan de la santé et de la mémoire collective dans un numéro dédié du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).
Ce programme tentaculaire baptisé « 13 novembre » révèle notamment qu’il est nécessaire de renforcer et d’élargir le dispositif d’accès des civils exposés aux soins à moyen terme.
Parmi les civils présentant un trouble de stress post-traumatique (TSPT) probable, près de la moitié (46 %) déclaraient ne pas avoir engagé de traitement régulier avec un psychologue ou un médecin, révèle l’enquête ESPA-13 novembre lancée 8 à 11 mois post-attentats (Bataclan, Saint-Denis, terrasses de cafés parisiens) auprès des personnes fortement exposées.
L’enquête montre que plus de la moitié (54 %) des menacés directs (directement visés, blessés) présentaient un trouble de stress post-traumatique (TSPT) probable et que c’était le cas également pour 27 % des témoins sur place et 21 % des témoins à proximité. Chez les endeuillés (c’est-à-dire les personnes ayant perdu une personne considérée comme proche), la prévalence du TSPT probable était très élevée, estimée à 54 %.
Les menacés directs ayant un TSPT probable étaient le plus à même d’enclencher un traitement régulier, un tiers d’entre eux n’étant pas suivi. C’est chez les témoins sur place et à proximité concernés par un TSPT probable que la proportion de non-suivis était la plus élevée (63 %), devant les endeuillés (46 %).
Ce constat est corroboré par l’étude IMPACTS, lancée après les attentats de janvier 2015 (Charlie Hebdo, HyperCasher Porte de Vincennes, Montrouge). L’étude souligne « l’importance de discerner toutes les victimes potentielles d’attentats terroristes (personnes directement exposées ou témoins) et de leur proposer une prise en charge médico-psychologique éventuelle ».
6 et 18 mois après les événements de janvier 2015, des psychologues formés aux psychotraumatismes se sont entretenus avec 190 civils. Il ressort que 18 % des personnes présentaient un état de stress post-traumatique (ESPT), 20 % avaient des troubles dépressifs ou anxieux sans ESPT et 25 % avaient consulté un médecin pour un problème somatique considéré comme lié aux événements. Plus de la moitié des personnes exposées ont bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique ou d’un soutien psychologique suite aux événements.
Pour les auteurs, les professionnels de santé doivent être sensibilisés « aux conséquences du psycho-traumatisme pour qu’ils soient à même d’assurer un relais thérapeutique efficace ».
Au-delà du « premier cercle », le système de surveillance SurSaUD (réseau des urgences hospitalières OSCOUR, SOS Médecins) activé au décours immédiat des attentats du 13 novembre révèle qu’il y a eu une hausse de passages aux urgences pour stress non seulement en Île-de-France mais aussi sur l’ensemble du territoire métropolitain. De même, l’étiquetage des consultations SOS Médecins a montré un pic d’activité en lien avec les attentats, principalement chez les 15-44 ans.
Plus largement encore, deux études se sont intéressées à l’empreinte des attentats dans la population générale. L’étude du Crédoc met en avant le rôle joué par la couverture immédiate et prolongée par les médias traditionnels et les réseaux sociaux. « Tout le monde a pu ainsi être exposé aux images liées aux attentats eux-mêmes et à leurs conséquences », écrit Lise Eilin Stene, du Norwegian Centre for Violence and Traumatic Stress Studies à Oslo.
Le rôle négatif de l’exposition aux images par les médias est confirmé dans une étude dédiée montrant une association positive entre le temps passé à regarder des images liées aux attaques et la survenue de symptômes de stress post-traumatique. Pour l’éditorialiste, ce type d’observations fait réfléchir à l’éventualité de « développer des mesures de prévention vis-à-vis de l’exposition indirecte aux attentats par les médias ».
Source : www.lequotidiendumedecin.fr Dr Irène Drogou (13/11/2018)
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