Préjudice d’angoisse de mort imminente et préjudice d’attente et d’inquiétude
Chambre mixte – Pourvois n° 20-17.072 et 20-15.624
Les préjudices subis par une victime doivent être prouvés et identifiés avant d’être indemnisés.
En raison de leur particularité, les préjudices « d’angoisse de mort imminente » et « d’attente et d’inquiétude » doivent être indemnisés de manière spécifique.
Une nomenclature de ces préjudices, issue des travaux de la commission présidée par M. Jean-Pierre Dintilhac en 2005, s’est dès lors imposée comme une référence pour tous les acteurs de la réparation du dommage corporel : elle est utilisée par les juridictions judiciaires, les victimes, les avocats et les assureurs.
Cette nomenclature dite « Dintilhac » prévoit une liste de « postes » correspondant à des définitions précises de divers préjudices.
Au cours des dernières années, à la suite notamment des attentats commis en France, la justice a été saisie de demandes en réparation de catégories de préjudices que la « nomenclature Dintilhac » n’avait pas envisagées.
Ainsi, deux décisions de cours d’appel statuant sur l’indemnisation de victimes d’une infraction de droit commun ou d’un acte de terrorisme ont fait l’objet de pourvois en cassation :
- La première porte sur le préjudice dit « d’angoisse de mort imminente ». Il s’agit du préjudice ressenti par la victime directe qui, entre le moment où elle a subi une atteinte et son décès, a eu la conscience du caractère inéluctable de sa propre fin. Les héritiers de la victime peuvent, en son nom, obtenir réparation de ce préjudice.
- La seconde porte sur un préjudice dit « d’attente et d’inquiétude ». Il s’agit du préjudice subi par les proches d’une victime directe lorsqu’ils apprennent qu’elle est ou a été exposée à un péril. Leur souffrance naît de l’état d’attente et d’incertitude dans lequel ils se trouvent, entre le moment où ils apprennent que leur proche est en péril et le moment où ils ont connaissance de l’issue de l’événement pour celui-ci.
Les décisions de la Cour de cassation
La chambre mixte siège lorsqu’une affaire pose une question juridique qui relève des attributions de plusieurs chambres de la Cour. Elle se réunit également si les chambres apportent ou sont susceptibles d’apporter des solutions divergentes à la question posée.
Jusqu’à présent, les différentes chambres de la Cour de cassation n’apportaient pas de réponse uniforme sur les modalités de réparation du préjudice d’angoisse de mort imminente.
La chambre mixte de la Cour de cassation décide que :
Sur le préjudice d’angoisse de mort imminente
L’angoisse d’une mort imminente se distingue du poste des « souffrances endurées », lesquelles sont définies par la « nomenclature Dintilhac » comme « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est à dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation [état définitif des séquelles]. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre ».
Sur le préjudice d’attente et d’inquiétude
Le préjudice d’attente et d’inquiétude que subissent les proches de la victime directe ne se confond pas avec leur préjudice d’affection ni avec aucun autre poste de préjudice indemnisant les victimes par ricochet, mais constitue un préjudice spécifique qui doit être réparé de façon autonome.
La Cour de cassation affirme clairement le caractère spécifique de ces deux préjudices et le principe de leur réparation autonome en créant deux nouveaux « postes » au sein la « nomenclature Dintilhac ».
Source : www.courdecassation.fr (25/03/2022)
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