Accident de la circulation et réparation intégrale du préjudice
La loi n°85-677 du 5 juillet 1985, dite Loi Badinter, a mis en place un régime spécial d’indemnisation pour les victimes d’accidents de la circulation.
Toutefois, c’est aux juridictions et à la jurisprudence qu’il revient de déterminer les modalités et le montant des indemnisations allouées aux victimes, par référence notamment à la nomenclature DINTILHAC.
Cette nomenclature est appliquée de façon consensuelle par les Juges, les Avocats et les professionnels du droit intervenant en matière de réparation du dommage corporel.
Cette nomenclature définit l’ensemble des postes de préjudice indemnisables en cas d’atteintes corporels.
Les postes de préjudices y sont classés en trois catégories :
- Les préjudices des victimes directes et les préjudices des victimes indirectes ;
- Les préjudices temporaires (ceux s’étendant de la date de l’accident à la date de consolidation de l’état de santé de la victime) et les préjudices permanents (ceux postérieures à la date de consolidation de l’état de santé de la victime) ;
- Les préjudices patrimoniaux et les préjudices extrapatrimoniaux.
Le montant de l’indemnité varie en fonction des circonstances de l’accident et des séquelles de la victime.
Quand elles sont saisies, les Cours d’Appel vont parfois simplement valider les estimations faites par les Tribunaux de première instance ; dans d’autres cas, elles vont diminuer, augmenter, voire accorder d’autres postes de préjudices à la victime.
En l’espèce, le 19 octobre 2011, un passager a été victime d’un accident de la circulation dans le véhicule conduit par son collègue, alors qu’il se rendait sur son lieu de travail.
Le 14 février 2012, une expertise médicale amiable a été mise en place par la compagnie d’assurance du véhicule dans lequel se trouvait la victime, en qualité de passagère.
Par ordonnance de référé en date du 3 avril 2013, une expertise judiciaire a été ordonnée et une provision d’un montant de 10.000 euros a été mise à la charge de l’assureur du véhicule.
L’expert a déposé son rapport le 25 juillet 2013, aux termes duquel il a conclu à l’absence de consolidation de l’état de santé de la victime.
De nouveau missionné par ordonnance du 17 juin 2014, l’Expert Judiciaire a procédé à un nouvel examen de la victime et déposé son rapport le 13 octobre 2014.
Le 30 mars 2017, le Juge de la Mise en Etat a ordonné un complément d’expertise et alloué à la victime une nouvelle provision d’un montant de 10.000 euros à valoir sur son indemnisation définitive.
L’Expert Judiciaire a déposé son rapport définitif le 6 décembre 2017.
Par jugement en date du 11 janvier 2019, le Tribunal de Grande Instance de NEVERS a déclaré le conducteur et son assureur responsables in solidum des préjudices subis et ont condamnés ces derniers à verser à la victime les sommes suivantes :
- Frais divers : 159 €
- Dépenses de santé futures : 37.370 €
- Assistance par une tierce personne : 46.285,83 €
- Perte de gains professionnels futurs : 9.128,98€
- Incidence professionnelle : 30.000€
- Déficit fonctionnel temporaire : 16.281,25 €
- Souffrances endurées temporaires : 20.000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 8.000 €
- Déficit fonctionnel permanent : 157.000€
- Préjudice esthétique permanent : 8.000€
- Préjudice d’agrément : 3.000€
Par déclaration en date du 19 février 2019, la victime a interjeté appel de cette décision, estimant que certains postes de préjudices auraient été sous-évalués.
Or, par arrêt du 4 février 2021 (Cour d’appel de BOURGES, 1ère civile, 4 février 2021, RG n°19/00203), la Cour d’Appel de BOURGES a partiellement fait droit à l’argumentation développée par la victime et infirmé le jugement rendu en première instance concernant trois postes de préjudices, à savoir les dépenses de santé actuelles, les frais de véhicule adapté et les pertes de gains professionnels futurs.
Concernant les frais de véhicule adapté, la demande indemnitaire de la victime avait été rejetée en première instance. En cause d’appel, la Cour fait droit à cette demande. En effet, la Cour d’Appel de BOURGES relève que la victime est inscrite à l’auto-école depuis plus de deux ans et est obligée de faire l’acquisition d’un véhicule adapté avec une boite automatique et les commandes à gauche en raison des séquelles imputables à son accident. Ce poste de préjudice avait d’ailleurs été retenu par l’Expert Judiciaire. La victime se voit désormais allouer la somme de 26.179,42 euros au titre de ce poste de préjudice.
Concernant les pertes de gains professionnels futurs, la victime s’était vue allouer, en première instance, la somme de 9.128,98 euros. Or, aux termes de son arrêt en date du 4 février 2021, la Cour d’Appel de BOURGES prend soin de relever qu’il ressort du rapport d’expertise que la victime exerçait avant son accident de la circulation l’activité professionnelle de maçon canalisateur. La victime est désormais « incapable, du fait des séquelles, d’exercer l’activité qu’il avait au moment des faits », ce qui a été confirmé par le médecin du travail. L’Expert ajoute que le déficit et les lésions constatées rendent impossibles l’exercice dans des conditions normales d’une activité manuelle et qu’en raison des limitations scolaires de la victime, il lui paraît incapable de bénéficier d’une reconversion professionnelle intellectuelle. En conséquence de quoi, la victime se voit allouer la somme de 337.720 euros en réparation de ses pertes de gains professionnels futurs.
Par conséquent, force est de constater que la victime se voit allouer, par la Cour d’Appel de BOURGES, des indemnités supérieures à celles accordées en première instance par le Tribunal de Grande Instance de NEVERS.
Source : www.tondu-avocat.fr (27/07/2021)
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