Accidents de la circulation et indemnisation intégrale des victimes : la Cour de cassation persiste et signe
Un homme est victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un autre conducteur, assuré auprès de la MAAF. À la suite de l’accident, l’homme est transporté immédiatement à l’hôpital où les médecins lui diagnostiquent un traumatisme cervical bénin. Néanmoins, quelques jours après, la victime présente des tremblements de la main droite associés à des céphalées. Le nouveau diagnostic est lourd : il assimile ces symptômes à la maladie de Parkinson.
La victime estime que le syndrome parkinsonien a fait son apparition à la suite de la collision et demande la réparation de l’intégralité de ses préjudices. Le litige oppose alors la victime au conducteur et à la MAAF, son assureur, qui demande l’exclusion de la pathologie nouvellement révélée du préjudice indemnisable. La cour d’appel donne raison à la victime tandis que l’assureur se pourvoit en cassation.
La MAAF soutient devant la Cour que « le dommage qui, constituant l’évolution inéluctable d’une pathologie antérieure, se serait manifesté de manière certaine indépendamment de la survenance du fait générateur, n’est pas en relation de causalité avec celui-ci ». En d’autres termes, la pathologie étant présente avant l’accident, elle aurait pu se manifester avant comme après l’accident et que, dès lors, il n’y a pas de lien de causalité entre son apparition et l’accident. Mais pour les juges d’appel, « il est constant que le droit de la victime d’un accident de la circulation à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique, lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que du fait de l’accident ».
Cette analyse est confortée par la Cour de cassation dans le présent arrêt qui fait sienne l’argumentation des juges d’appel. Elle précise notamment que l’état antérieur de la victime était inconnu et qu’il n’était pas possible de se prononcer sur le délai de survenance de la maladie, d’après les expertises médicales. Plus important encore, la maladie ne s’était pas manifestée avant l’accident de sorte qu’elle a été révélée par l’accident et dès lors lui était imputable.
Il en résulte donc qu’une pathologie, telle qu’une maladie neurodégénérative, apparue même quelque temps après l’accident et à condition qu’aucun symptôme n’était apparu avant, serait imputable audit accident. Ainsi, il existe un lien de causalité direct et certain entre une maladie, même présente mais qui ne s’est pas manifestée, et un accident qui en était l’unique révélateur. Seul moyen pour l’assureur de s’exonérer : prouver que la maladie s’est manifestée antérieurement, en l’absence de l’accident.
La règle jurisprudentielle selon laquelle « le droit à réparation de la victime ne saurait être limité en raison de son état de santé antérieur ou d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » n’en est pas à son premier emploi. Ce principe a été à maintes reprises affirmé tant au civil qu’au pénal (entre autres,Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-18.784). L’idée qui sous-tend le principe est que l’accident fait basculer une prédisposition latente, jusqu’ici inconnue, vers un état pathologique, ce qui justifie l’indemnisation.
Ainsi, une pathologie, telle qu’une maladie neurodégénérative, qui s’est révélée postérieurement à l’accident, est imputable à celui-ci dès lors qu’aucun symptôme n’était apparu avant sa survenance (Cass.2°civ.,20 05 20, n°18-24.095)
Source : Evgeny Golosov (10/06/2020)
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