Victimes d’infractions sexuelles, ce que dit la loi
Deux enquêtes récentes ont révélé que chaque année en France :
- 93 000 femmes déclarent être victimes de viol ou de tentative de viol,
- 225 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles au sein du couple,
- 1 million de femmes sont confrontées au moins une fois à une situation de harcèlement sexuel au travail ou dans les espaces publics,
- une femme meurt en moyenne tous les 3 jours et un homme tous les 23 jours sous les coups de son/sa partenaire ou ex-partenaire.
Or, moins de 10 % des victimes de violences sexuelles et sexistes déposeraient plainte.
Les victimes d’infractions sexuelles sont donc nécessairement plus nombreuses que le laissent présumer les chiffres précédemment exposés.
Leur silence traduit toute la difficulté à se saisir de leurs droits après un tel traumatisme mais aussi la dissonance entre la mécanique actuelle du droit des infractions sexuelles et la réalité bien plus complexe qui entoure les violences sexuelles.
Après avoir caractérisé les infractions sexuelles selon qu’elles s’assimilent à des faits de harcèlement sexuel (I), d’agression sexuelle (II) ou de viol (III), il conviendra d’évoquer les enjeux probatoires et indemnitaires qu’elles impliquent (IV).
Le harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel est un délit souvent méconnu des victimes à cause de sa complexité. Aussi, pour le caractériser, il est nécessaire de le distinguer du harcèlement moral avant de l’envisager tant en droit pénal qu’en droit social pour enfin exposer les voies d’action existantes et les sanctions .
Les distinctions entre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral
Si l’on peut remarquer certains points de convergence résiduels entre les définitions du harcèlement moral et sexuel, ces infractions se distinguent toutefois par leur objet, leur effet, leur mode opératoire, la qualité de l’auteur des faits et selon le contexte de leur commission.
Les articles 222-33-2 et suivants du Code pénal disposent en effet que le harcèlement moral se caractérise par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ou de vie en distinguant de fait, lieu de travail et sphère privée.
Ainsi, la dégradation des conditions de travail doit être « susceptible » :
- de porter atteinte aux droits et à la dignité de la victime ou,
- d’altérer sa santé physique ou mentale ou,
- de compromettre son avenir professionnel.
La dégradation des conditions de vie « se traduisant » quant à elle par une altération de la santé physique ou mentale de la victime.
Le harcèlement sexuel est défini par l’article 222-33 du Code Pénal comme :
« Le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui :
- soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant,
- soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante»
Mais le même article ajoute également, que l’infraction de harcèlement sexuel est constituée :
- « Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée »
- « Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition »
et que :
- « Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers »
Ainsi, l’évocation sexuelle seule ne permet pas de consommer le délit de harcèlement sexuel car l’infraction se définit en partie par rapport aux conséquences des faits sur la victime.
En conséquence, le harcèlement sexuel se distingue du harcèlement moral qui recouvre des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste ainsi que toute forme de pression grave utilisée dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle.
Le harcèlement moral est également une infraction dite « formelle » qui peut être punissable sans que les conséquences des faits ne soient réellement ressenties par la victime alors qu’en matière de harcèlement sexuel le résultat de l’infraction doit être caractérisé à l’égard de cette dernière, à l’exception des faits assimilés au harcèlement sexuel.
De surcroit, les conséquences des faits sur la victime entre les deux délits ne sont pas les mêmes, à l’instar de l’altération de la santé physique ou mentale qui n’est pas une condition à la caractérisation de l’infraction de harcèlement sexuel.
Enfin, le harcèlement sexuel peut être caractérisé sans que les agissements aient eu lieu de manière répétée dès lors que l’auteur de l’infraction a usé « de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle ».
Outre les distinctions qui précèdent, la caractérisation du harcèlement sexuel se distingue selon que l’on se place sur le terrain du droit pénal ou du droit du travail.
La caractérisation du harcèlement sexuel en droit pénal
En vertu de l’article 121-3 du Code pénal, à côté de son élément légal et de son existence matérielle, le harcèlement sexuel ne peut être punissable qu’à la condition que son élément intentionnel soit caractérisé.
Il importe peu que l’auteur ait eu conscience de la portée de ses actes. Ainsi, il y a intention délictueuse dès lors que l’auteur de l’infraction a agi en connaissance de cause (Cass. crim. 18-11-2015 n°14-85.591).
Ainsi, constituent des faits de harcèlement sexuel :
- un comportement d’obsédé sexuel (CA Pau, 22 octobre 1997, n° 645-97)
- le refus de tenir compte de manifestations de refus clair et dénué d’ambiguïté de la victime, et le fait de se livrer à des gestes et contact allant à l’encontre de sa volonté (Cass. Crim, 21 novembre 2007, n°06-87.497)
- les promesses de promotions, de meilleures conditions de travail ou autres avantages en échange de rapports sexuels (Cass. Crim, 20 novembre 2002, n°02-81.635)
Cette intention délictuelle différencie ainsi le délit de harcèlement sexuel en droit pénal du même délit en droit du travail.
La caractérisation du harcèlement sexuel en droit du travail
La caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel.
Ainsi, l’article L1153-1 du Code du Travail dispose que : « Aucun salarié ne doit subir des faits :
- Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
- Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »
Mais comment s’articulent le droit pénal et le droit social face au harcèlement sexuel ?
Dans son arrêt du 25 mars 2020, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation apporte une réponse partielle à cette interrogation en jugeant que :
« C’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la décision du juge pénal, qui s’est borné à constater l’absence d’élément intentionnel, ne privait pas le juge civil de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l’employeur. » (Cass. soc. 25 mars 2020 n° 18-23.682)
Ainsi, la caractérisation du harcèlement sexuel en droit pénal ne lie pas le juge civil dans une matière relevant du droit social, les victimes pouvant ainsi envisager une action devant le Juge pénal et une action devant le Juge social dès lors que le harcèlement sexuel a été commis dans la sphère professionnelle.
L’action et les sanctions du harcèlement sexuel
Confrontée à des faits de harcèlement sexuel, si elle souhaite engager des poursuites pénales, la victime doit, comme pour toute infraction d’habitude, déposer plainte dans un délai de 6 ans suivant l’acte le plus récent de harcèlement.
En droit pénal, il convient de noter qu’il existe une présomption d’innocence sur le défendeur à l’instance.
Si cette présomption est renversée et que l’infraction est caractérisée, l’auteur des faits encourt :
- 2 ans d’emprisonnement ou 3 ans en cas de circonstances aggravantes,
- 30 000 € d’amende ou 45 000 € en cas de circonstances aggravantes, et
- une condamnation au versement de dommages et intérêts en cas de constitution de partie civile de la victime.
Si les faits de harcèlement sexuel ont été subis sur le lieu de travail, la victime peut également engager une procédure sociale dans le délai de 5 ans à compter de la commission des faits et saisir le conseil des prud’hommes ou le tribunal administratif selon qu’elle travaille dans le secteur privé ou public.
Enfin, le droit du travail présente la particularité d’un mode de preuve dérogatoire du droit commun en vertu de l’article 1154-1 du Code du travail puisque dans le cadre d’une procédure sociale, il suffira que la victime présente des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement sexuel. Il appartiendra alors à l’auteur présumé des faits de harcèlement sexuel de démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement sexuel.
L’agression sexuelle
Le délit d’agression sexuelle doit être envisagé tant dans ses éléments légal, matériel et moral que dans son action et ses sanctions.
La caractérisation de l’agression sexuelle
En vertu des articles 222-22 et suivants du Code pénal l’agression sexuelle se définit comme toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise impliquant de fait, l’absence de consentement clair et explicite de la victime.
L’atteinte sexuelle se définit comme l’accomplissement d’actes sexuels autre que la pénétration qui seule permet de caractériser l’infraction de viol.
L’atteinte sexuelle s’entend donc nécessairement d’un contact physique avec la victime, étant précisé que « constitue également une agression sexuelle le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers » (Article 222-22-2 du Code pénal).
Il peut s’agir par exemple de caresses ou d’attouchements de nature sexuelle.
La contrainte peut être physique ou morale et s’entend par exemple de l’utilisation de moyens de pression réels ou supposés qui détermine la victime à consentir, contre son gré, à l’acte sexuel.
S’agissant d’une victime âgée de moins de 18 ans, le législateur a estimé que la contrainte morale pouvait résulter « de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur.»
S’agissant d’une victime âgée de 15 ans « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes. »
La surprise peut également être caractérisée en cas d’état inconscient ou de forte imprégnation alcoolique de la victime.
En tout état de cause, il résulte d’une jurisprudence constante que l’absence totale de consentement de la victime doit être caractérisée pour que l’infraction d’agression sexuelle soit constituée (Cass. Crim, 20 juin 2001, 00-88.258).
Ensuite, pour que le délit d’agression sexuelle soit pleinement constitué, il est nécessaire d’apporter la preuve de l’élément intentionnel de l’auteur des faits qui doit vouloir commettre l’acte sexuel et être conscient de l’absence de consentement clair et explicite de la victime.
Ainsi, il a été jugé que constituent des agressions sexuelles le fait :
- d’avoir tenté d’embrasser la victime, de lui avoir caressé les seins et de l’avoir fait tomber sur le lit. (Cass. Crim., 31 mai 2001, n°99-81.042)
- d’avoir profité, en connaissance de cause, de la méprise de la victime sur son identité en utilisant un stratagème, pour pratiquer sur elle des gestes à caractère sexuel sachant pourtant que celle-ci ne souhaitait pas avoir de relation avec lui (Cass.Crim, 4 sept. 2019, n° 18-85.919)
Les agressions sexuelles en plus de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne, ont des conséquences considérables sur les victimes comme la dépression, l’anxiété mais aussi des troubles du sommeil et/ou de l’alimentation.
L’action et les sanctions de l’agression sexuelle
Comme en matière de harcèlement sexuel, la victime majeure doit porter plainte dans un délai de 6 ans après l’agression sexuelle. Le tribunal correctionnel sera la juridiction qui se saisira de l’affaire.
Si la victime est mineure au moment des faits, le délai de prescription qui commence à courir à compter de la majorité est porté à 10 ans pour agression sexuelle sur un mineur âgé de 15 à 18 ans et à 20 ans sur un mineur âgé de 15 ans en cas de circonstance aggravante prévue à l’article 227-26 du code pénal.
En application de l’article 222-27 du Code Pénal et comme pour toutes les agressions sexuelles autres que le viol, la peine encourue est de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Elle peut être portée jusqu’à 7 et 100.000,00 euros d’amende ou 10 ans et 150.000,00 euros d’amende lorsque l’agression est commise avec une ou plusieurs circonstances aggravantes tenant aux conséquences ainsi qu’à la qualité de l’auteur ou de la victime des faits.
L’auteur reconnu coupable du délit d’agression sexuel sera enregistré au Fichier Judiciaire National Automatisé des Auteurs d’Infraction Sexuelles ou Violentes (FIJAIS).
Il convient de noter que la tentative du délit d’agression sexuelle est punie des mêmes peines en vertu de l’article 222-31 du Code pénal.
A côté de l’agression sexuelle à proprement parlé, il existe d’autres types de violences sexuelles prohibées comme :
- le délit d’exhibition sexuelle (article 222-32 du Code Pénal)
- le délit de voyeurisme (article 226-3-1 du Code Pénal)
- ou encore l’administration de substances en vue de commettre un viol ou une agression sexuelle (article 222-30-1 du Code Pénal)
Les violences sexuelles précitées qui sont voisines de l’agression sexuelle constituent des délits qui se distinguent du viol.
Le viol
L’infraction de viol est considérée comme un crime au sens de la loi pénale et obéit de ce fait à des règles distinctes s’agissant de l’action et des sanctions de cette infraction.
La définition légale
L’article 222-23 du Code Pénal réprime le viol et le définit en disposant que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. »
Aussi pour que la qualification de viol soit retenue, trois éléments doivent être réunis :
- l’élément légal : soit l’entrave à la loi et plus précisément aux articles 222-23 à 222-26 du Code Pénal.
- l’élément matériel : pour que les faits de viol soient établis, deux éléments doivent être identifiés :
- l’acte de pénétration de la victime: tout acte de pénétration sexuelle est visé, buccal, vaginal, anal, par le sexe, par le doigt, par un objet y compris la pénétration de l’auteur par la victime (fellation forcée, pénétration féminine forcée sur la personne d’un homme).
- le caractère sexuel de cette pénétration: il convient de démontrer le caractère sexuel des circonstances dans lesquelles les faits ont été commis.
À titre d’exemple, la Cour de Cassation a rejeté la qualification de viol dans le cas d’une pénétration anale infligée à un jeune homme dans le but de lui extorquer une somme d’argent, car la pénétration n’était pas réalisée dans un contexte sexuel (Cass. Crim, 9 décembre 1993, n°93-81.044).
- l’élément intentionnel : le viol suppose la conscience d’imposer à autrui une pénétration sexuelle sachant que l’autre personne n’y consent pas. Il appartient ainsi au juge de caractériser au cas par cas l’état de contrainte (Cass. Crim 21 octobre 1998, n°98-83.843, Cass.Crim, 28 avril 2011, n°11-80.617).
En plus de porter atteinte à la dignité de la personne, le viol entrave le droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion d’autonomie personnelle et du droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la CEDH.
L’action et les sanctions du viol
La victime majeure au moment de la commission des faits peut porter plainte dans un délai de 10 ans après le viol si ce dernier a été commis avant le mois de février 2017 et dans un délai de 20 ans si les faits ont été commis après le mois de février 2017.
Si la victime est mineure au moment des faits constitutifs de viol, ce délai de prescription est porté à 30 ans à compter de la majorité.
S’agissant d’un crime, les poursuites engagées sur le fondement de l’infraction de viol se distinguent de celles concernant les autres infractions sexuelles en ce qu’elles impliquent la mise en examen de l’auteur présumé et l’intervention d’un Juge d’instruction qui, après avoir procédé aux actes d’enquêtes pourra renvoyer l’accusé devant la Cour d’Assise compétente au moyen d’une ordonnance de mise en accusation.
La peine encourue pour l’auteur du crime est de 15 ans de réclusion criminelle. Cette peine est portée à 20 ans en cas de circonstances aggravantes notamment lorsque le viol est commis par le partenaire ou ex-partenaire de la victime ou s’il est commis, en connaissance de cause, sur une personne particulièrement vulnérable ou précaire sur le plan économique. La réclusion criminelle est également portée à 30 ans lorsque le viol a entraîné la mort de la victime et à perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie.
Enjeux et controverses, vers une refonte du droit des infractions sexuelles ?
De l’épineuse problématique de l’établissement de la preuve (a) à l’iniquité grandissante dans l’indemnisation des victimes (b), le droit des violences sexuelles mérite sans aucun doute des adaptations.
L’enjeu probatoire des infractions sexuelles
En droit pénal, la victime est présumée avoir consenti à l’acte sexuel puisque la présomption d’innocence lui fait porter la charge de la preuve de l’absence de consentement qui est en pratique très difficile à rapporter s’agissant d’un fait négatif.
En l’absence de témoins ou de preuves matérielles, comment prouver la réalité des faits lorsque l’auteur nie purement et simplement ? Comment établir le défaut de consentement ?
Ce sont là des questions qui sont depuis quelques années fréquemment soulevées sans que n’advienne aucune réponse claire.
La peur des représailles, le sentiment de honte devant l’entourage, la méfiance réelle ou supposée de ceux qui vous écoutent, l’incompréhension, la remémoration du traumatisme, le temps de la reconstruction personnelle et la pression d’une décision de justice sont autant d’obstacles à la prise de parole des victimes qui les conduit souvent et malheureusement, à entacher leur discours d’incohérences.
Or, en droit pénal, le doute profite toujours à l’auteur des faits.
De la même manière, le temps judiciaire est propice à la déperdition des preuves.
Ces différents éléments peuvent conduire à l’impunité de la personne mise en cause.
La présomption d’innocence de l’auteur de l’acte doit-elle nécessairement se traduire par la présomption du consentement de la victime ?
Peut-être conviendrait-il de rééquilibrer la charge de la preuve tout en respectant les principes du droit au procès équitable et la présomption d’innocence.
En outre, il a été observé que les préjudices subis par les victimes de violences sexuelles ne sont pas réparés de la même manière que les préjudices en droit commun du dommage corporel.
La nécessité de réviser les indemnisations
En cas de préjudice corporel consécutif à une infraction de violence sexuelle, ce dernier donne en principe, le droit à la victime d’en obtenir la réparation intégrale. (à ce sujet voir l’article sur la majoration de l’indemnisation des préjudices corporels de la victime d’infraction pénale).
Si l’on peut également se réjouir de la faculté pour les victimes de saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction afin d’obtenir une indemnisation avant toute décision de condamnation de l’auteur des faits (Articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale), force est de constater que « les victimes de viols, d’agressions sexuelles et d’incestes sont les laissées pour compte du droit du dommage corporel, elles se trouvent reléguées tout en bas de l’échelle des indemnisations octroyées. »[2]
Cela est dû en premier lieu à la survivance d’un tabou autour de la charge probatoire et de l’absence de consentement.
Ainsi, tout se passe comme si l’acte était trop ignoble pour pouvoir reposer seulement sur le seul coupable. La société, par réaction, étend inconsciemment sa suspicion tant sur l’auteur que sur la victime.
Ce préjugé résulte de la difficulté pour la conscience collective à considérer qu’une personne puisse être absente des gestes qu’elle est contrainte de subir ou d’effectuer.[3]
En second lieu, bien souvent les victimes de violences sexuelles se trouvent dans l’impossibilité de verbaliser leur souffrance, et donc leur préjudice. L’évaluation du préjudice telle qu’elle est menée aujourd’hui s’en trouve alors malmenée.
En troisième lieu, les violences sexuelles laissent certes des dommages visibles mais également d’autres moins marqués à l’instar des dommages psychologiques. Or, ces derniers sont bien souvent exclus de l’indemnisation du fait de leur caractère occulte.
En dernier lieu, l’expertise médicale permettant d’évaluer le préjudice de la victime semble inadaptée. En effet, le dommage est évalué à un instant précis, or les conséquences du viol produisent leurs effets sur le long terme.
A cet égard, Jacques Dayan, pédopsychiatre au CHU de Caen note que : « Les outils utiles au repérage de la gravité du traumatisme sexuel trouvent là immédiatement leurs limites. En effet, il n’existe de critères de gravité qu’en relation à certains champs d’investigation déterminés, pour lesquels il n’existe pas toujours d’instrument ad hoc. De plus, il n’est pas établi aujourd’hui quels éléments sont pertinents pour préjuger de l’évolution à long terme. »
Ce sont donc autant de difficultés qui rendent l’évaluation des préjudices de la victime en inadéquation avec les préjudices réellement subis. Pourtant, le principe de réparation intégrale implique de réparer de la manière la plus précise possible le préjudice effectivement subi par la victime.
C’est pour cela que l’accompagnement joue une place primordiale qu’il soit familial, médical ou juridique.
Le Cabinet MPJ se tient, bien évidemment, à votre disposition pour faire valoir vos droits.
Source : Julien PINET - Avocat (14/06/2020)
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