Droits des étrangers malades : assouplissement en trompe l’œil de l’accès au titre de séjour
L’accès aux titres de séjours provisoires pour les étrangers malades va subir de profonds remaniements suite à la loi sur le droit des étrangers en débat à l’assemblée.
L’article 10 du projet de loi assouplit en effet considérablement le dispositif d’attribution des autorisations temporaire par les préfectures, mais les associations de défense des patients étrangers craignent que les bonnes intentions du texte ne soient annihilées par une autre modification dans le projet : le transfert des compétences d’évaluation médicale des médecins des ARS vers un collège de médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Les associations estiment que l’affiliation de l’OFII au ministère de l’intérieur (alors que les ARS dépendent du ministère de la santé) risque d’orienter les avis médicaux, qui seraient rédigés avec une volonté de contrôle des flux migratoires et non pas en vue d’assurer la continuité des soins.
À l’heure actuelle, la loi de 2011 indique que ce sont les médecins de l’ARS qui sont chargés d’émettre un avis sur l’état de santé du patient étranger. Les critères retenus pour justifier la délivrance d’une autorisation temporaire de séjour sont l’exceptionnelle gravité de la maladie, et une absence « totale » de traitement dans le pays d’origine.
Selon le texte adopté en séance, il faudra désormais tenir compte également du statut socio-économique du patient étranger, afin de juger s’il peut concrètement accéder au traitement dans son pays. Autres assouplissements prévus : les étrangers malades auront accès à des cartes de séjour pluriannuelles plutôt que des cartes de séjours renouvelables tous les 6 mois, comme actuellement.
Ces modifications sont bien accueillies dans leur ensemble par les associations, comme le Comité intermouvements auprès des évacués (Cimade) et Médecin sans frontières, qui jugent cependant beaucoup plus durement l’attribution de l’évaluation des patients par les médecins de l’OFII.
Cette dernière décision se base sur un rapport de l’IGAS de mars 2013 qui notait « des disparités importantes » d’une ARS à l’autre « voire des irrégularités, dans le traitement des dossiers des étrangers malades ». Les auteurs du rapport proposaient donc que les avis soient émis par un collège de médecins de l’OFII, et de supprimer les médecins agréés et les praticiens hospitaliers du processus.
L’idée a été vertement critiquée dans un contre rapport de l’observatoire du droit des étrangers à la santé (ODSE).
« Les médecins des ARS subissent déjà des pressions importantes, explique Anne-Lise Denoeud, juriste à Médecin sans Frontière et membre de l’ODSE, on peut imaginer ce qui se passera avec des médecins dont la tutelle est le ministère de l’Intérieur dont le rôle, et c’est tout à fait normal, est de réguler le nombre d’étrangers qui s’installent en France. »
Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a tenté de calmer les critiques venues des bancs écologistes de l’assemblée en proposant « que les médecins de l’OFII agissent sur la base d’un cahier des charges élaboré par le ministère de la santé. Cela fait l’objet d’un accord entre les ministères de la santé et de l’intérieur. »
Pour Anne Lise Denoeud, « c’est un geste, mais un geste insuffisant. Le ministère de la santé ne parvient déjà pas à faire appliquer ces décisions au sein des ARS et l’on sait que les préfets prennent de plus en plus de libertés vis-à-vis des avis qui leurs sont remis. »
Environ 6 000 titres de séjours provisoires sont accordés chaque année pour motif de santé en France, environ 20 000 malades résident actuellement sur le territoire français avec ce type de d’autorisation.
Source : www.lequotidiendumedecin.fr Damien Coulomb (23/07/2015)
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